Comme si les multiples peaux de l'être avaient été brassées et rebrassées par des mains puissantes, battues et rebattues par des paumes larges, elle est sortie de sa nuit, meurtrie, pantelante.
La nuit l'avait emmenée dans des eaux noires, l'entraînant dans le courant. Elle avait glissé le long de berges inconnues, elle s'était laissée mener dans un flot souvent chaotique, sans peur pourtant, sachant déjà qu'elle ne pouvait, ne devait combattre.
Que ce qui l'entraînait aujourd'hui avait déjà entraîné avant elle tout ceux qui l'avaient précédée.
Tantôt elle s'était laissée portée, tout du long étendue, les membres flottant, les cheveux épars ondulant autour d'elle. Elle avait vécu cela avec une certaine nostalgie, presque un bonheur, un abandon qui lui avait fait du bien, la rendant alors passive, presque lascive, consentante dans les bras de ce qui la portait.
Tantôt elle s'était sentie ballottée, toute en vrac, emmêlée, fripée, recroquevillée, pieds par-dessus tête, sans plus de sens, que celui des flots qui tapaient à sa tempe. Elle s'était sentie toute petite balle, ballot de linge sale, et de nœuds emmêlés. Tendue, embrouillée, inextricable dans le sens perdu.
Claude Capern